L’uranium appauvri ? Une réserve stratégique et non un déchet !

Pervès Jean-Pierre | 24 Novembre 2020 - 15h00

Avec 400000 tonnes d’uranium appauvri vers 2040 la France dispose d’une ressource précieuse :
- Pour une part approvisionnement en combustible mixte UO2-PuO2
- Sur la totalité du stock la possibilité dans le siècle à venir, en fonction de l’évolution du prix de l’uranium naturel, d’extraire par la voie de l’ultracentrifugation le reliquat de 235U de la première phase d’enrichissement. C’est près de huit à dix ans de nos besoins en combustibles nucléaires qui sont déjà en notre possession.
- Et également sur la totalité du stock la possibilité, dans des réacteurs de 4ème génération, les surgénérateurs, déjà démontrés en particulier en France, de nous alimenter pendant plus de 5000 ans en électricité non carbonée au niveau actuel.
La ministre de l’environnement, chargée de l’énergie, semble vouloir fermer la porte à l’utilisation d’un stock stratégique considérable de combustible, et affirme en effet, sans démonstration, que la requalification en déchets de cet uranium appauvri est un enjeu de sureté́ nucléaire. C’est inexcusable de la part d’une ministre qui prône par ailleurs la préservation des ressources et le recyclage des matières.
Cet uranium appauvri, faiblement radioactif, de volume extrêmement réduit en comparaison de son potentiel énergétique, est entreposé de manière sûre, sous le contrôle de l’ASN, sous forme d’un oxyde ininflammable et stable chimiquement.
L’ASN, obéissant aux injonctions de la ministre « estime indispensable qu’une quantité substantielle d’uranium appauvri soit requalifiée dès à présent en déchet ». Mais elle reconnait que le stock d’uranium appauvri, « représente l’équivalent de millénaires de fonctionnement d’un parc de réacteurs rapides » et admet qu’il « devrait pouvoir être requalifiée en matière radioactive ». Bien que non chargée de la politique énergétique de la France, elle propose deux critères pour une requalification en déchet : répondre au contenu de la LTECV, qui ne couvre qu’une trentaine d’année et dont les défauts sont bien connus, et l’absence de perspective d’utilisation à l’horizon d’une centaine d’années. Ces deux critères sont inadaptés au temps long d’une politique énergétique et surtout aux incertitudes, sur plusieurs siècles, de l’évolution climatique.
Parallèlement, la volonté d’élimination du nucléaire du mix énergétique national, s’oppose aux scénarios du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie qui soulignent l’importance du nucléaire et de l’électricité pour lutter contre le changement climatique.
Face à cette irresponsabilité de la Ministre et à l’intrusion injustifiée de l’ASN dans la politique climatique (elle n’est en charge que de la sûreté des installations nucléaires et de la radioprotection), il est temps que le Président et le gouvernement s’emparent du sujet, et bloquent cette attaque détournée par le biais d’une discrète concertation post et préconsultation sur le PNGMDR.
Il s’agit d’une question de politique climatique et énergétique à très long terme et la solution logique serait que l’état acquière ce stock et le transforme en réserve stratégique inaliénable. En faire un déchet serait un crime environnemental.
PS : les déchets ultimes du nucléaires sont destinés à CIGEO, ce stockage géologique étant totalement inadapté à un « déchet » uranium appauvri, si par malheur la décision était prise. Par ailleurs quelle urgence ? En cette période de crise pourquoi vouloir lancer un chantier couteux de plus pour de seules raisons idéologiques.

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