Déchets TFA et ASN : courage, fuyons

Pervès Jean-Pierre | 26 Novembre 2020 - 14h38

Cela fait des années que les exploitants nucléaires (j’en fus un) s’inquiètent d’une gestion des déchets TFA à un coût disproportionné. Le centre de stockage CIRES de l’ANDRA serait proche de la saturation (en 2028) alors qu’il est rempli de déchets inertes ou métalliques qui, pour leur majorité, sont inactifs ou largement moins radioactifs que le bon granite des maisons d’antan.
Pourquoi ? Parce que l’ASN a toujours refusé de proposer au gouvernement un seuil de libération, pourtant largement accepté dans presque tous les autres pays nucléaires.
Dans son avis l’ASN dit s’inquiéter, mais continue à laisser à la charge des exploitants la recherche de solutions équilibrées, sans proposer une stratégie, des conditions d’acceptabilité assises sur un inventaire des impacts sur la santé. Elle se garde de proposer au gouvernement, ce qui devrait être son devoir, des critères objectifs de libération des déchets, impliquant l’abandon de procédures lourdes et coûteuses.
- Quel niveaux d’activité seraient acceptables, avec les marges adaptées à un impact sanitaire négligeable, selon la nature et la destination des matériaux à recycler.
- Quelle procédures de contrôle seraient acceptables, à un niveau et un coût adapté à la réalité de l’impact sanitaire potentiel, en tenant compte de l’apport de la traçabilité de l’origine des déchets.
- Pourquoi limiter la valorisation, au cas par cas, de déchets radioactifs métalliques TFA, après fusion et décontamination. Nous savons en effet que l’essentiel des déchets TFA est constitué de gravats inactifs, pour la seule raison que, moins un déchets est radioactif, plus il est difficile et coûteux d’en apporter la preuve par des mesures.
- L’ASN est-elle en mesure de nous garantir que les déchets très faiblement radioactifs des autres pays, bénéficiant de seuils de libération, ne sont pas importés en France sous des formes variées.
- Cela fait des dizaines d’années que le recyclage après fusion des ferrailles n’est pas opérationnel, non pour des raisons de santé publique, mais pour des raisons de lourdeurs des processus d’acceptation imposés par l’ASN et son conseil technique, l’IRSN. Et on continue à importer des aciers issus de pays ayant une métallurgie très carbonée.
Il y a urgence en raison de la saturation de CIRES et de l’importance des démantèlement en cours et à venir (dont, malheureusement, Fessenheim). L’ASN doit proposer une stratégie au gouvernement, permettant ainsi aux exploitants nucléaires de programmer leurs démantèlements au meilleur coût et de contribuer intelligemment à la doctrine de recyclage. Seul un seuil de libération permettrait une gestion fluide, mais nous ne pouvons que craindre qu’à leur habitude l’ASN et l’IRSN, continuent à vouloir tout gérer au cas pour cas, sur la base de dossiers tatillons, avec les délais et réserves multiples habituels. La sûreté de gestion des TFA, telle qu’elle est imposée aux exploitants nucléaires, n’a pas de prix (dixit l’ASN), mais son coût pour la collectivité est inacceptable.
Par ailleurs l’ASN s’interroge sur le rôle de l’Andra, la recherche de capacités de stockage supplémentaires, l’identification d’un deuxième centre de stockage et l’analyse des avantages et inconvénients de solutions de stockage décentralisé, à proximité des sites de producteurs. Est-il raisonnable de multiplier les sites de stockage, dont le coût de gestion est sans commune mesure avec la dangerosité réelle des matériaux stockés ? Il est clair que, dans l’intérêt du pays l’objectif fixé par le gouvernement, sur proposition de l’ASN devrait-être :
- Favoriser le recyclage selon le seul critère de la santé publique.
- Réduire ainsi drastiquement le volume des déchets classés TFA et recyclables.
- Autoriser la mise en centres de stockage de déchets non radioactifs, des déchets sous le seuil de libération et sans filière de recyclage, ou leur utilisation (par exemple stabilisation de sols, remplissage de carrières, soubassement de routes…)
- Conserver le principe, sain, de stockages centralisés de TFA gérés par l’Andra et très limités en nombre, (éventuellement sur des sites nucléaires actuels ou en cours de dénucléarisation). Ces sites ne devraient n’accepter que des déchets réellement TFA, de volume bien moindre.
La gestion tatillonne au cas par cas, privilégiée par l’ASN, est lourde et coûteuse, et doit être réduite au minimum justifiable. Notre pays ne peut continuer à gaspiller ainsi alors que sa situation financière est préoccupante.

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