L’uranium appauvri : un trésor énergétique pour nos descendants. En faire un déchet inutilisable au titre de gestion durable et

GRENECHE Dominique | 26 Novembre 2020 - 22h33

L’uranium appauvri : un trésor énergétique pour nos descendants. En faire un déchet inutilisable au titre de gestion durable et responsable des matières nucléaires est donc un délit

Rappel technique. L’uranium appauvri (Uapp) est composé de deux isotopes de l’uranium : U235 et U238 présents initialement dans la nature. C’est un résidu VALORIBLE issu des opérations d’enrichissement de l’uranium naturel qui contient une proportion de 0,7 % d’U235, l’isotope que l’on « brûle » dans nos réacteurs nucléaires pour produire notre « électricité nucléaire », et de 99.3 % d’U238. L’enrichissement élève cette proportion naturelle d’U235 de 0,7 % à environ 4 à 5 % d’U235 (uranium enrichi utilisable dans nos réacteurs nucléaires) et laisse de côté l’Uapp contenant une proportion d’environ 0,3 % d’U235 (et donc 99,7 % d’U238). La France en entrepose aujourd’hui environ 320 000 tonnes dans des conditions de sûreté telles que cela élimine pratiquement tout risque d’accident ou tout effet pour l’environnement (matière solide totalement inerte et ininflammable).
Valorisation de l’Uranium appauvri (Uapp). Il peut être valorisé sous trois formes (pour l’essentiel) :
 1 – L’Uapp comme matière support dans les combustibles "Mox" qui sont un mélange de plutonium et d’Uapp et qui sont fabriqués aujourd’hui en France pour alimenter 22 réacteurs nucléaires d’EDF mais aussi pour l’exportation (au Japon en majorité). Si l’Uapp (même une partie seulement) était requalifié en déchets, cette étiquette signifierait formellement que l’on exporte des déchets à l’étranger ce qui est INTERDIT par notre loi.
 2 – L’Uapp comme nouveau combustible nucléaire après une opération de réenrichissement permettant d’élever la proportion d’U235 de 0,3 % à 4 ou 5 %. On comprend facilement que l’intérêt économique de cette opération dépend du rapport entre le prix d’achat de l’uranium d’une part et le prix à payer pour enrichir cet uranium. Comme le prix de l’uranium ne peut qu’augmenter à l’avenir, cette réutilisation de l’Uapp deviendra de plus en plus attractive à moyen et long terme. D’ailleurs elle était déjà intéressante puisqu’elle a été mise en œuvre par EDF pendant de nombreuses années. Elle a été interrompue temporairement pour des raisons conjoncturelles, mais elle va être reprise très prochainement. De plus cette opération de réenrichissement de l’Uapp a été pratiquée à grande échelle en Russie (plusieurs dizaines de milliers de tonnes) et elle se poursuit aujourd’hui. En conclusion sur ce point, décréter que l’Uapp devient un déchet (donc une matière qui n’est plus utilisable), est un véritable gâchis économique potentiel.
 3 – l’Uapp comme réserve stratégique pour alimenter les réacteurs nucléaires de quatrième génération dont le combustible principal sera l’Uapp via sa transformation progressive en plutonium qui produit l’énergie dans un réacteur nucléaire (comme l’U235). Ainsi, avec ses seules réserves existantes d’Uapp, la France serait en capacité de produire de l’électricité nucléaire au rythme actuel pendant plus de 5000 ans (oui, cinq mille ans). C’est ce que l’on pourrait traduire de façon un peu triviale « en avoir sous le pieds » ! De plus, la France possède largement la maitrise de cette technologie avec le démonstrateur industriel qu’elle a construit et exploité dans le passé : le réacteur Superphénix de 1200 MWe (qui était à l’époque le réacteur nucléaire le plus puissant au monde). Cette technologie a été peu déployée dans le monde jusqu’à présent car l’uranium était abondant et peu cher. Mais à l’évidence cette situation n’est pas éternelle. D’ailleurs, de grands pays comme la Russie, la Chine et en l’Inde (qui à eux trois représentent près de 40 % de la population mondiale aujourd’hui) misent déjà sur le déploiement futur de ces réacteurs de quatrième génération avec la construction ou même l’exploitation de démonstrateurs industriels. En un mot, l’Uapp deviendra le combustible nucléaire de base pour les générations futures. Vouloir exclure dès maintenant cette ressource potentielle considérable en énergie est un pari sur l’avenir pour le moins risqué, d’autant plus qu’il ne repose sur aucun argument technique ni même sur aucune justification en matière de sûreté.
J’ajoute que si une partie de l’Uapp devenait formellement des « déchets nucléaires », l’autorité de sûreté nucléaire serait en droit d’exiger la recherche d’un moyen de les stocker définitivement. Or, compte tenu de la très longue période de désintégration de l’uranium (la demi-vie de l’U235 est de 700 millions d’années et celle de l’U238 de 4,5 milliards d’années !) il est réglementairement exclu de les stoker dans un centre de surface. Les stoker dans un centre de stockage géologique de type CIGEO serait une véritable ineptie. Il faudrait donc créer un stockage dédié en subsurface. Vraiment pas simple. Par ailleurs un tel stockage soulèverait un problème déontologique dans la mesure où une bonne partie de l’Uapp résulte d’opérations d’enrichissement réalisées pour le compte de clients étrangers et que donc en devenant un déchet cet Uapp ne pourrait plus rester éternellement sur notre territoire, par extension des dispositions réglementaires prévues pour les déchets issus du traitement des combustibles usés étrangers.
Je souligne enfin qu’un arrêt du CONSEIL d’ETAT datant de 2001 décrète explicitement que l’URANIUM APPAUVRI n’est PAS UN DECHET.
En conclusion, j’exprime ici mon opposition totale à ce projet d’article sur l’Uapp qui est aberrant et néfaste et dont les motivations réelles sont pour le moins nébuleuses. En conséquence je demande qu’il soit retiré. C’est dans l’intérêt des français que nous sommes tous.

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